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Annelise Nguyên sculpte le métal. Elle travaille à partir de tiges et de fils d’acier qu’elle déploie dans l’espace selon des schémas qui évoquent les courants marins, une mécanique des fluides à la fois minimale et buissonnante. Grande observatrice du réel, elle réduit à l’essentiel les formes dont elle s’inspire sans jamais en abolir la complexité ni la richesse, comme si elle voulait s’approcher au plus près de la composition atomique des choses, découvrir des formes qui étaient déjà là et dont elle ne serait que l’inventeuse (comme on dit qu’on invente un trésor, ou une épave).

Il y a quelque chose de la représentation de l’infini dans ses sculptures, un continuum sans fin, un ruban dont la face visible devient imperceptiblement la face cachée sans que rien n’arrête jamais cette circonvolution organique. Le regard glisse sur le fini de l’acier, lisse et poreux. Il est parfois ralenti par une soudure, comme le doigt le long d’une branche peut être retardé par le gonflement d’un bourgeon. Son travail est de ceux qui demandent une attention aussi concentrée que distraite. Elle sait se rendre sensible aux mouvements de la graine qui germe comme à l'incommensurabilité des variations du Gulf Stream. L’échelle de ses œuvres est celle du corps, un corps hospitalier, ouvert et conscient de son interdépendance avec ce qui l’environne. Annelise est une femme qui affirme pouvoir rire des blagues sexistes, non parce qu’elle endosserait la misogynie de celui qui la raconte, mais parce qu’elle aime être des deux côtés des choses, et qu’elle aime à penser que cette agilité lui permet de toucher à l’universel. Cette remarque amusée lui ressemble. Tout son esprit se résume à cette ambition modeste et géniale : inventer des formes essentielles qui auraient la grâce et l’évidence du bon sens débarrassé de toute vulgarité.

Clément de Gaulejac

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